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L’intelligence artificielle et les échecs

publié le 08 juin 2018 à 16:48
par BreizhMasters
illustration

 

 

L'idée de l'article suit une impulsion qui est double :

  • Comment un Elo de 400 poins inférieurs à un autre peut-il le massacrer en moins de 30 coups, en ligne ? En trichant avec une application basée sur l'intelligence artificielle, downloadée sur sa tablette ! Notez que ce n'est pas un encouragement à essayer, mais plutôt un cri de raz-le-bol ;-)

  • J'échangeais avec une amie sur l'intelligence artificielle de Google dans le jeu de go, et elle me rétorqua que « Google est un con ». Ce qui donne à réfléchir quand il est question d'intelligence artificielle...

 

 

Neurones contre intelligence artificielle

A partir de 1989, 3 matches opposent le champion d’échecs russe Garry Kasparrov à Deep Blue, le super ordinateur de la firme américaine IBM. C’était un combat entre neurones et intelligence artificielle avant d'être une question géopolitique, avec la crainte réelle de voir la machine terrasser l’espèce humaine. Les échecs représentent la discipline de l’intelligence humaine par excellence, la question est de savoir ce qu’il adviendrait de l’humain si l’ordinateur faisait mieux que lui dans ce domaine.

 

Garry Kasparov combat donc la machine avec le poids de l’avenir de l’humanité sur ses épaules ; il est en mission. Pour lui, lil s'agit de maintenir la supériorité de l’humain sur la machine, et c’est ce qu’il a fait pendant les premiers affrontements avec différents ordinateurs.

 

 

La première intelligence artificielle liée aux échecs

La première intelligence artificielle en rapport avec les échecs est évoquée en 1968 dans le blockbuster de 2001 : l’odyssée de l’espace. La machine bat l’homme aisément. C’est le premier combat entre un être humain intelligent et un super ordinateur autour d’une partie d’échecs. A cette époque, l'idée relève encore de la science fiction.

 

Construire une machine capable de battre les champions d’échecs reviendrait à créer une intelligence capable de surpasser l’intellect humain. Il faut donc inventer une nouvelle forme d’intelligence : artificielle . C’est un fantasme depuis les années 40 d’ailleurs, depuis les débuts de l’informatique.

 

Pour réaliser ce film, Stanley Kubrick a d'ailleurs consulté IBM, laquelle travaille sur l’intelligence artificielle depuis les années 60.

 

 

L'initiative de Crasy Bird

IBM ne serait sans doute jamais parvenu à révolutionner le monde des échecs sans l’intervention d’étudiants passionnés en développement informatique. C’est au début des années 80 qu’un jeune taïwanais arrive aux USA pour intégrer une prestigieuse université. Son tempérament lui vaut le surnom de crasy bird – oiseau fou.

 

Il est passionné par les puces informatiques. Il connaît les échecs, mais rien de plus. C’est un professeur qui lui propose d’intégrer son équipe de développeurs, pour mettre au point une machine pour jouer aux échecs. Tout est basé sur la force d’évaluation de l’ordinateur, et l’expérience ne lui convient pas. Ce n’est que plus tard qu’il aura l’idée de créer une machine capable d’imaginer le plus de coups possibles pour trouver celui qui mènerait au mat. Il va donc créer sa propre équipe.

 

En parallèle, Garry Kasparov révolutionne les échecs à l'âge de 22 ans. Nous sommes en 1985 et il devient le plus jeune champion du monde de l’histoire en battant Karpov après 2 sacrifices de pions. C’était la victoire de la créativité sur la technique. Une nouvelle ère commence alors.

 

 

Deep Thought écrase tout sur son passage

En 1988, Deep Thought est prête – pensée profonde en français. C’est une référence à un livre de science fiction écrit pas Douglas Adams. Quelques centaines de parties d’échecs viennent nourrir cette bête de l’apocalypse : elle est capable d’analyser 720 000 coups par seconde, ce qui phénoménal à l'époque. l'ordinateur remporte un titre américain, le portant sur la première marche du podium face à d’autres adversaires de métal. En 1989, cet ordinateur deviend champion du monde dans un autre concours informatique.

 

Je jeune taïwanais veut maintenant le confronter à des grands maîtres d’échecs. Deep Thought renverse alors Ben Larsen et Tony Miles. Garry Kasparov est très intéressé par cet adversaire de silicium. Au départ, principalement pour sa notoriété, parce qu’il est convaincu de pouvoir batte l’ordinateur. Quant à IBM, la société est à la recherche d’un adversaire de taille. Le rendez-vous est alors validé pour le 22 octobre 1989, dans un tournoi opposant Garry Kasparov et Deep Thought, à l’Académie des Arts de New-York.

 

 

Tous derrière Garry Kasparov !

Lors de la conférence de Presse préalable au tournoi, les jeunes ingénieurs sentent bien que l’atmosphère leur est hostile. Deep Thought inquiète, et peu de monde souhaite voir Garry Kasparov perdre. Mais le champion du monde est confiant. D’ailleurs, un journaliste lui demande ce qu'il adviendrait s’il venait à perdre dans les 5 ans face à une hyper-machine, tant pour les échecs que pour l’impact sur les carrières des GMI, et quant à la puissance créative de l’individu. Sa réponse soutient qu’il sera encore champion dans 5 ans. Il avance surtout que l’être humain peut arriver à développer suffisamment de capacités pour se battre contre les ordinateurs. Et de conclure « mais si les ordinateurs remportaient un jour, je ne sais pas ce qui arriverait ensuite.[…] Ce serait inquiétant non pas uniquement pour les joueurs d’échecs, mais pour l’espèce humaine elle-même ».

 

C’est donc en défenseur de l’humanité que Garry Kasparov attaque ce tournoi à 15H00, avec les Noirs. La première ronde tourne vite à l’avantage de Kasparov dès le 18ème coup, et 35 coups plus tard la machine perd. A la ronde retour, le champion du monde prend l’avantage au centre avec une solide position, après un sacrifice de Fou. Un sacrifice de pion vise à tromper l’ordinateur, et Garry Kasparov l’emporte avec les Blancs. Pour l’assistance, l’avenir de l’humain est sauf ! Celui de Kasparov également.

 

 

Jouer face à une machine est très différent

Son commentaire face aux journalistes est de dire qu’il était inquiet au départ : face à la machine il n’y a pas de rapport de forces comme avec un humain, il n’y a pas d’énergie. Il aurait trouver une autre source d’énergie dans le public, parce que tout le monde voulait que la machine perde. Il remercie d’ailleurs le public pour cette énorme source d’énergie.

 

Pour l’intelligence artificielle qui balbutie en Deep Thought, la défaite n’est que relative. Ce n’est qu’un prélude à un avenir différent.

 

 

L'arrivée de Deep Blue

Dans les années 70, IBM connaît des difficultés. Deep Thought est la seule publicité favorable que la société puisse entendre. Il faut maintenant que le public associe bien Deep Thought à IBM : le nom de l’ordinateur est changé en Deep Blue, une allusion au surnom d’IBM Big Blue. La société met de nouveaux moyen à la disposition de l’équipe du jeune taïwanais.

 

Une machine beaucoup plus puissante est mise au point en 6 ans. 265 micro-processeurs travaillent en parallèle. Toutes les parties d’échecs répertoriées depuis les années 1900 sont entrées dans sa base de données. L’ordinateur est capable de réaliser des comparaisons de positions entre elles. Cela reste encore très élémentaire, mais la puissance est là. Les joueurs d’échecs se trouvent plutôt démunis face à cette forme d'intelligence .

 

 

Kasparov gagne face à Deep Blue !

Une nouvelle rencontre est prévue en 6 manches dès février 1996, entre Deep Blue et Kasparov. Ce dernier manque son ouverture face à un ordinateur qui pratique beaucoup d’échanges, ce qui le déstabilise. Il perd la première ronde. Il décide alors de changer de stratégie à chaque ronde, ce qui se révèle payant, puisqu’à la 6ème ronde il mène 3-2. Il remporte le tournoi.

 

Les Medias titrent que Kasparov n’a pas été englouti dans le Grand Bleu et que le genre humain domine encore la machine.

 

Déjà à l’époque il est que question que l’intelligence artificielle est bête. Quand un humain connaît son adversaire, il est capable de jouer en fonction de cet apprentissage et de s’améliorer à chaque partie, ce que n’est pas capable de faire l’ordinateur à cette époque. Malgré la possibilité de calcul à 200 millions de coups à la seconde, la machine a perdu face à l’humain.

 

 

La machine + l'humain contre l'humain

Kasparov accepte une revanche programmée 1 an plus tard. Il faut donc parfaire la machine. Crasy Bird et son équipe comprennent que la machine n’a pas encore suffisamment de connaissances sur les échecs : il lui faut davantage de données et plus de subtilités dans son analyse de jeu.

 

C’est alors que l’idée de l’apprentissage arrive à un accord avec un GMI du nom de Joël Benjamin. Il devient pendant 1 an de secondant de l’ordinateur. Il décode les erreurs et joue plusieurs parties par jour. La machine peut calculer maintenant jusqu’à 12 coups de profondeur et réalise 3 millions de calculs à la seconde.

 

 

Un bug informatique déroute Kasparov...

Au commencement de la partie, Garry Kasparov mène. Soudain, la machine est victime d’un bug informatique, et mange un pion plutôt bêtement. C’est une erreur, blunder diraient nos logiciels d'analyse ! Mais le champion du monde l’ignore, et pense à un coup tactique. Il ne le trouve pas. Il commence à douter et est déstabilisé. La machine a en fait joué au hasard, incapable de prendre une décision, mais il ne le sait pas... Il gagne toutefois la partie, en jouant des coups non référencés par la théorie. Mais le doute s’est installé irrémédiablement et tout bascule.

 

Au cours des parties suivantes, Kasparov prend toutefois l’avantage, mais n’arrive jamais à la concrétiser. La seule fois où il est en difficulté, la possibilité de nulle existe mais il ne l’a pas vue. Au commencement de la dernière ronde le score est 2,5 - 2,5. Kasparov n’est plus dans le jeu et tombe dans un piège d’ouverture classique qu’un champion du monde connaît nécessairement. Ambiance de fin du monde dans la salle. L’absence d’émotion de l’ordinateur a eu raison de celle de l’humain.

 

IBM est mauvais joueur, hoouuuuu ! Jamais Kasparov n’aura la belle qu’il réclamait. Il dira plus tard avoir cru à un complot, et avoir mis 10ans pour s’en remettre. Kasparov était le dernier rempart de l’humanité face à l’intelligence artificielle, et il a cédé. Pov' Kasparov.

 

 

 

L’intelligence artificielle est bête, mais elle écrase l’individu dans beaucoup de domaine, même si elle ne peut pas encore aujourd’hui résoudre des problèmes. Elle ne sait pas qu’elle existe, elle ne comprend pas ce qu’elle fait. Quand elle joue aux échecs, elle ne le sait pas (pourquoi elle ne me laisse pas gagner alors ?! Elle ne sait pas que ça me ferait plaisir sans doute...). En fait, elle n’a pas de conscience d’elle-même et n’a pas de projet, mais elle fait beaucoup de choses mieux que l’espèce humaine. Nous co-évoluons. Aux échecs par exemple, l’intelligence artificielle permet de progresser pour ceux qui ne trichent pas.

 

Les 100 meilleurs joueurs de GO ont dit écraser Google avec son intelligence artificielle, pourtant ils ont tous été massacrés. Finalement, personne n'a jamais fait mieux que Garry Kasparov.

 

 

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BreizhMasters 01 novembre 2018 à 17:10 a écrit

Merci Yaztromo1, j'ignorais cette subtilité ;)